Cette église, à trois nefs égales, présente un type d’édifice utilitaire voûté en bois, au temps où le même procédé était employé au Palais de Justice, pour les besoins civils. Les murailles y sont réduites à leur plus simple expression, les piles affectent les contrecourbes les plus favorables au dégagement de la vue...

Quel enchantement émanait de l'éclat de ces parois translucides reconstituées au XIXe siècle par un zèle dévot avec plus de somptuosité que de bonheur.

Le vieil historien Farin attaché au clergé de cette paroisse se complaisait évidemment à les célébrer ; il citait même le dicton populaire appliqué à un bon vin, comme le su­perlatif le plus flatteur “Il est de la couleur des vitres de Saint-Godard”.

Quelques témoins en demeurent, le reste a été dispersé ou brisé à la Révolution. Mais ces témoins sont d’importance, ils rutilent aux énormes pignons des nefs latérales; l’un consacré à la vie de saint Romain présente, avec un piment de naïveté, des formes déjà
fortement imprégnées d’italianisme ; l’autre, un Arbre de Jessé, rendu à l’œuvre d’un artiste néerlandais, Arnoult de Nimègue, par la science de M. Jean Lafond, justifierait à lui seul le dicton.

Les branches issues du vieux patriarche supportent les rois de Juda, parés de costumes merveilleux. S’il demeurait la seule décoration translucide de Rouen, quelle célébrité connaîtrait ce vitrail! On le passe généralement sous silence, comme la petite crypte du XVe siècle, témoin rajeuni d’un antique édifice, comme la porte de bois gigantesque ou­verte dans la muraille sud et dont le décor gothique est complètement inconnu des Rouennais.
(Pierre Chirol ROUEN ed.Artaud 1939 )