Jadis enclose entre des propriétés
privées limitées par un cimetière,
l’église Saint Vincent a poussé au
gré des besoins et du terrain disponible.
L’utilité semble avoir
présidé seule a ses dispositions; un
chœur fut construit pour amorcer un édifice
énorme, mais la grande espérance ne connut pas
d’heureux lendemains. Le XIXe siècle
s’est évertué à unifier et
à décorer un extérieur qui se
prêtait mal à ces efforts.
Le détail seul mérite l’attention, mais
à un très haut degré. Voici le porche
à trois pans, où les guides signalent avec une
touchante unanimité les débris informes
d’un Jugement Dernier, qui serait inspiré de
Michel Ange (?). Malheureusement l’espace et les dates
s’y opposent. L’intérieur
présente un intérêt d’un
autre genre. Lumière, sculptures, esthétiques
diverses, se combinent comme à Saint Maclou, en un
mélange aussi heureux.
Sous la gigantesque voûte
du chœur, Defrance, au XVIIIe siècle, a
peuplé de ses saints et de ses anges, également
tumultueux, un sanctuaire aux ors maintenant
atténués; les cristaux des lustres, les
pendeloques des girandoles appuyées aux consoles rocaille,
reflètent et multiplient les taches ardentes des vitraux.
Ceux-ci justement célèbres, garnissent le
déambulatoire tout entier selon un programme suivi,
exécuté vraisemblablement par le même
atelier. Au cours du XVIe siècle, les collatéraux
continuent la splendeur, avec une préciosité plus
raffinée. Dans la chapelle de gauche, Engrand Le Prince, le
fameux maître de Beauvais, a signé les
œuvres de Miséricorde. Jamais “ habiller
ceux qui sont nus ” n’a pu atteindre une plus
magnifique réalisation picturale.
Cette église aux parois dépouillées
rivalise avec les plus extraordinaires ensembles de la peinture sur
verre. On 1’apprécie plus encore à la
vue des repoussoirs maladroitement somptueux que procurent aux
chefs-d’œuvre véritables les
dernières fenêtres garnies au XIXe
siècle. Mais la bonne volonté des donateurs
n’a-t-elle pas été nourrie de
témérité bien imprudente ?
Le 31 mai 1944, l’église explose, frappée en son centre par une bombe.
Un fragment du transept est encore visible à son emplacement d’origine.
Heureusement, les splendides vitraux avaient été démontés et mis à l’abri avant la guerre.
C’est grâce à cette précaution que nous pouvons les admirer aujourd’hui dans le cadre de l’église Sainte
Jeanne d’Arc.
(Photo : Archives Départementales de la Seine Maritime)
Des fragments des boiseries du Chœur ont également été replacés dans la chapelle de l’église Sainte
Jeanne d’Arc.
(Photo : Paroisse Notre-Dame de Rouen)
Les deux anges, œuvres de Caffieri, qui ornent l’autel de la cathédrale de part et d’autre viennent également de l’église Saint Vincent. Vous pouvez les voir sur la deuxième photo du haut de la page à leur emplacement original.
(Photos : M.Beuzlin pour la Paroisse Notre-Dame de Rouen)